564 hommes, femmes et enfants furent massacrés par les colonnes infernales dans la petite chapelle des Lucs-sur-Boulogne, en 1794.
Après avoir vécu tant d’émotions au Puy du Fou, il fallut un jour comprendre pourquoi. Le point de départ. La déchirure. Ce que Philippe de Villiers ressentit au chevet de ces martyrs dont il parle tant et sur lesquels repose toute son œuvre.
Alors nous avons pris la route. Nous avons franchi les frontières puyfolaises et gagné les chemins de mémoire inaugurés par Philippe et Soljenitsyne il y a 30 ans. Nous avons gravi ces quelques marches jusqu’à cette petite chapelle cachée sous les arbres. Nous en avons poussé la porte. Et là…
Une épouvantable sensation d’injustice. Une tristesse absolue. Un vide immense. 564 présences, pourtant. 564 souffles emprisonnés dans ces murs. Ils avaient 15 mois, 24 ans, 68 ans. Ils étaient chrétiens. Ils étaient Vendéens.

Nous y avons trouvé un homme en prière, silencieux, qui essuyait ses larmes, lui aussi, d’un discret revers de main. Nous avons posé nos genoux à terre. Gabrielle a prié, je suppose que moi aussi. Et en posant notre regard sur chacun de ces noms, chacun de ces âges, nous avons compris les larmes de Philippe. Nous avons compris sa souffrance et son désir de vengeance, d’hymne, de justice. Nous avons entendu ce cri. Nous avons deviné cet appel. Car, seul, on ne bâtit pas un royaume. Il faut s’appuyer sur plus grand que soi, être martyr de sa propre histoire, devenir un écorché vif, ressentir les plaies du passé et y déposer des pétales de roses, comme le fit cette mystérieuse femme dont il entendit parler mais qu’il ne vit jamais. Elle venait ici, au pied de l’autel, chaque matin, avant le lever du jour, former un cœur avec des pétales rouges ou blanches. C’était son hymne à elle. Son petit sacrifice. La saignée de son propre cœur sur un sol meurtri à jamais. Philippe l’imagine comme on idéalise en soi le visage de la Vierge Marie. Une jeune femme pudique, belle, le visage dissimulé sous une mantille.
Il l’imagine avec toute la tendresse, la charité, l’amour, le panache et la douleur dont jaillira plus tard sa création, un écrin de lumière, de poésie, de chevalerie et de légende, comme un souffle de vie rendu aux enfants des petits Lucs. Comme un geste pieu déposé sur cette terre de sang. Comme une petite bougie qui ravive leurs âmes et fait briller les yeux de ceux qui les distinguent.
Maud PROTAT-KOFFLER

Émouvant et tellement vrai !
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