Tableau français

Billet d’humeur (de retour d’un reportage). 8 janvier 2022. C’est ça, la France. Le souffle d’un commerçant exaspéré derrière un plexiglas. La déclaration d’amour d’un agent immobilier à sa région – quand on n’a plus que son espoir à vendre et que son avis à donner, on ne réclame plus de gros chèque, seulement l’or du temps.

C’est le verre de rosé quotidien au PMU, à 9h du matin. Le deuxième. Le troisième. Et le quatrième, surtout ; ce sont les portières gelées de la Peugeot, les -4°C de la semaine dernière, les brèves de comptoir qui valent un programme politique, le passé qu’on regrette, l’avenir qui rend fou, les 400 coups, les 135 balles, la fermeture de l’usine, les bancs de l’école séchée et ceux de l’église à vendre, cette terre qu’on ne quitterait pour rien au monde, et les copains, forcément, ceux du bar, ceux d’avant, ceux qui restent et ceux qui s’en vont.

Ce sont ces odeurs d’arrière-cuisine, de galettes des rois, de croissants chauds, de cierges brûlés, de café moulu, de terre, de pluie, d’ici. C’est cette satire de la société, ces choses graves qu’on accueille avec légèreté, cet avis sur tout, cet avis pour rien, surtout. Ces visages marqués. Ces regards marquants. Et l’idée que quatre doses de piquette immunisent de tout. Y compris des emmerdeurs.

Maud Koffler

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