Billet d’humeur trempée – 29 avril 2020. Non, rien ne changera tant que nous nous persuaderons que la situation se suffit à elle seule pour tout inverser, parce qu’au fond, bâtir un nouveau monde, c’est renier son confort, c’est déconstruire sa vie et se changer soi-même.
Rien ne changera tant que nous nous contenterons de remarques stériles, de commentaires vindicatifs et de déclarations de guerre en rafales, ces « moi je pense que » qui nous flattent et nous obsèdent, et qui nous font croire aux prémices d’une révolution alors que nous ne sommes que chiffres et statistiques.
Rien ne changera tant que nous ne débourserons rien dans la production française. Tant que nous ne calmerons pas nos pulsions de consommateurs américanisés. A n’importe quelle échelle, sans exception.
Non, rien ne changera tant que nous jouerons au peuple effarouché, qui casse des vitrines et bloque des ronds-points en invoquant l’union nationale, mais qui pense individuellement, qui raye la devise républicaine en proclamant son roi, son moi, son rien du tout.
Rien ne changera si nous comptons seulement sur des décisions politiques. Mais rien ne changera si nous gachons notre énergie à retourner des tables au lieu d’en dresser. À ne faire du bien commun qu’une idée lointaine, alors que tout est là. À s’agenouiller devant Dieu sans agir, jamais. À s’inventer des combats qui ne mènent à aucune victoire. À s’enorgueillir sur des réseaux sociaux, gonflés de haine, de mauvaises intentions, de cette rage du paraître, alors que changer le monde, changer sa ville, changer son quartier, c’est aller au-delà de soi.
C’est croire que Dieu n’y est pour rien et qu’on y est pour tout. Ce n’est pas attendre qu’une voix s’élève dans un désert. C’est être cette voix. Chacun. Et y croire. Croire qu’on peut manger français. Croire en notre terroir. Croire en nos artisans, en nos pâtissiers, en nos boulangers, en nos compagnons, en nos talents, en nos arts. Croire en la complicité de comptoir. Croire que nos paysans sont le sel de la terre. Croire que nous avons déjà tout. Croire en notre patrimoine. Croire en la richesse de la simplicité. Croire en nos valeurs. Croire en notre histoire. Croire en nos enfants. Croire en l’autre. Croire que notre souveraineté commence au pas de notre porte. Et croire que la crise ne résoudra rien. Pas plus qu’une guerre, si nous ne sommes pas les bâtisseurs de notre propre pays.
Maud Koffler
