(Texte publié le 12 novembre 2018)
Il est 8h. Cheveux en bataille, humeur tranchée, radio on air. Le ton fervent et le souffle lourd, Alain Delon prête sa voix au souvenir. À ses mots, la liberté semble tenir la guerre en joue. Sur le front, un soldat rédige cette ultime espérance : « Ça y est, j’en suis sûr, la victoire est proche. »
9h. Pour un dimanche, l’avenue de Wagram est surpeuplée. Des bleuets florissent de toutes parts. A défaut d’être des patriotes, les Français sont des sentimentaux. La place de l’Étoile retrouve sa singularité, son essence : lieu de recueillement et de marches historiques. Avant les Bleus, les deux étoiles du Général.
10h. Les drapeaux prennent une douche froide de pluie et d’ordres fous. Trois officiers, issus des trois armes et des trois âges, font négligemment bouger les lignes en madison : « avancez ! », « reculez ! », « non, avancez ! », « mais reculez, enfin ! ». Jamais d’accord, toujours sûrs d’eux ; on aurait pu y perdre 3 guerres.
À droite, une constellation de généraux. À gauche, l’élite du peuple : ces membres associatifs, ces officiers de réserve citoyenne, ces chefs d’entreprise, ces responsables de choses et d’autres. Le peuple, grand oublié du 11 novembre, n’est pas assis là. D’ailleurs, il n’est assis nulle part. Incohérent.
11h. Paris bourdonne. Notre Dame jubile, les églises claironnent. La guerre est terminée. L’on se surprend alors à sourire, à ressentir l’effervescence sacrée d’il y a 100 ans. On se sent Français, quelque part.
Et tout s’enchaîne sous une pluie insistante. Le pavé vibre. On ferme les yeux pour la Marseillaise. On s’émeut au son du violoncelle dont les plus sombres notes gagnent à raviver la ferveur gelée. Ton contre temps.
À cet instant, en ce lieu, en ces circonstances historiques, le drapeau français redevient l’emblème sacrificiel de millions d’hommes. Cœur à jamais battant, corps mainte fois recousu, ce tissu est à la France ce que la croix demeure au monde.
12h30. Il n’y a pas que le pavé qui tremble. Les chefs d’État quittent la place. Les tribunes ne sont rapidement plus que carcasses. Un général s’affaire à de chaleureuses salutations.
Dans les cieux ouverts d’avance,
Dieu reçoit ses fiers enfants.
Gloire à ceux qui pour la France
Ont voulu verser leur sang.
Maud KOFFLER
