Mon cher ami,
Qu’il est difficile d’aimer la France. C’est un amour défendu, je m’en rends compte, clandestin, marginal. Un peu insolent, un peu hiératique. Un amour charnel aussi, qui use les semelles et qui écorche le cœur. Un amour romanesque qui transforme les parfums en poèmes et décline les mots en fleurs. Un si grand amour qui se quitte à Paris et se disperse dans la dentelle des chemins de fer, effleure les courbes de Bourgogne, de Normandie ou de Provence, se dessine sur les vitres opaques d’un vieux Corail puis se ramasse sur un quai, se cueille comme la dernière rose d’hiver, l’ultime, la plus belle.
Qu’il est difficile d’aimer la France. Elle nous échappe et on aimerait s’échapper avec elle. La suivre dans ses récits intimes, l’étreindre en secret, l’habiter, lui prêter un langage que nul n’entendrait, que nul n’entend d’ailleurs… La serrer contre soi, la porter comme un anneau divin, la hisser comme une croix. L’offrir au monde entier. Puis non, la garder pour soi. La protéger. Vivre pour elle, ou mourir.
Songez à poétiser vos souffrances.
M.
