Mon cher ami,
Je ne comprends pas pourquoi certaines plumes s’évertuent à vouloir inscrire la « liberté de blasphème » aux « valeurs de la République »… Ni comment attribuer au crime un délit d’opinion.
Je ne comprends pas plus l’orchestration de ce procès fait au divin, comme si l’origine des attentats venait d’en haut alors qu’ils ne sont que le fruit pourri de nos intentions. Dieu m’apparaît bien vulnérable dans cette affaire. Et soutenir que la faille vient de notre infidélité aux valeurs républicaines, c’est admettre pour de bon que la République n’est qu’une copie désacralisée et infertile de ces doctrines sans dieu ni tête, engendrée par un séparatisme sanglant. Un veau d’or, en somme.
De toute façon, la guerre des religions est symptomatique. Le ciel est peut-être bien assez grand pour y loger plusieurs dieux, mais tous ces dieux gouvernent des peuples confinés sur Terre qui s’entre-tuent depuis des siècles. C’est pour cela que la question me paraît mal pensée… Il ne s’agit pas de savoir si on peut encore caricaturer une figure divine au XXIe siècle. Il s’agit de savoir au nom de quelle liberté on le fait, à quelles fins, et si cette liberté n’en ampute pas une seconde.
Il ne me paraît pas judicieux de chercher à combler le coeur d’un homme en manque d’absolu par la satire du sacré. Le rôle de la République n’est-il pas d’offrir au peuple quelque chose de plus grand, de plus beau, une colonne vertébrale qui s’enracine, qui épouse ses fondements judéo-chrétiens et s’élève vers ses grandeurs historiques ? Philippe de Villiers écrivait : « Si on ne propose pas aux jeunes de nos banlieues nos drames, nos larmes et nos grandeurs, alors, ils iront vers d’autres larmes et d’autres gloires. »
Ces caricatures révèlent à elles seules notre pauvreté spirituelle, notre pauvreté intellectuelle et notre pauvreté religieuse. La banalisation et le détournement du beau.
Mais l’autre drame, celui qui nous vaut cette insécurité quotidienne, c’est le syndrome de Stockholm contracté par nos gouvernements depuis des dizaines d’années. Cette fascination morbide pour un ennemi qui ne se cache même plus pour tuer. Et au lieu de nommer les causes, on traite les effets. Cette obsession sournoise de détourner l’attention me consterne.
Je ne sais pas où cela nous mène. Si c’est dans un mur, que ce soit au moins celui des lamentations.
Faisons du beau.
Votre dévouée,
M.
