Cinquième lettre : « Ce ne sont pas des bougies qui rallumeront le monde. »

Mon cher ami,

Ma plume s’enflamme depuis hier. Elle devient crue, depuis l’égorgement de ce professeur d’histoire, à Conflans-Sainte-Honorine.

Je crois que certains n’ont pas encore très bien compris que le problème ne relève pas de la liberté d’expression. Que la guerre des crayons de couleur contre les kalachnikovs, ça fait joli sur le papier mais ce n’est, là encore, qu’une façon déloyale de travestir le sujet.

Nous parlons de la survie d’un peuple. D’une guerre sans règles entre un État de façade et un État kamikaze. Avec des gens qui meurent, d’une balle dans le crane ou d’un couteau dans la gorge. Avec des discours solennels et des bougies parfumées sur les balcons aussi, c’est vrai.

Les islamistes mettent le paquet, pourtant. Il y a des morts. Pardon, des « victimes ». Des Arnaud Beltrame « victimes de leur héroïsme » et des Samuel Paty victimes de leur enseignement. Le séparatisme, eux, ils l’appliquent au sens propre. Salement.

Et que répliquons-nous ?
Un slogan imposé par le « bon sens » : je suis Charlie. Sommes-nous sérieux ? Mais alors à quoi sert l’Histoire ?

Et qui est Charlie ? Un mâle blanc cisgenre de plus de 50 ans ou un transgenre afro-américain de 14 ans ? Est-ce que Charlie croit en Dieu ? Est-ce que Charlie est issu des milieux bobos ou rescapé des cités HLM ? Est-ce que Charlie connaît Marianne ? Est-ce que Marianne connaît Charlie ? Est-ce qu’il a déjà pris une cartouche dans le flanc parce que son gilet pare-balles était celui de l’administration giscardienne, ou est-ce que c’est un adepte frustré des free-hugs, sur le parvis de Notre-Dame ? Est-ce que, pour Charlie, ou grâce à Charlie, nous serions capables d’abandonner nos claviers pour sauver nos têtes ? Est-ce que Charlie a la voix de Charles ? Je veux dire, la voix de la France ? Celle du salut ?

On ne voit rien.

Ce n’est pourtant pas faute de s’être indignés comme des singes sur les réseaux sociaux en publiant, partageant, copiant, recopiant tous ces refrains valises stériles qui mobilisent l’opinion au lieu de mobiliser les esprits, les corps, le peuple des vivants. C’est tellement plus satisfaisant de s’opposer aux « idéologies montantes » qui « surfent sur le terrorisme pour attiser la haine ». De marcher au pas d’amalgame, au rythme d’un requiem. Pendant ce temps, l’islamisme prospère, l’État capitule, la République rend l’âme et la France n’est plus qu’une ombre errant dans un cimetière sans fleurs.

On ne coule pas un destroyer avec un coton-tige. La France a besoin de croire en quelque chose de plus grand pour abattre ce terrorisme là. Pas en une doctrine commerciale. Hier, un islamiste s’est attaqué à l’un des nôtres et, avec lui, à l’enseignement, à l’histoire. Ce ne sont pas des bougies qui rallumeront le monde. C’est l’éducation, justement. C’est la mémoire collective. C’est la force, la puissance de l’esprit. Puisque le mal nous dépasse, acceptons d’être dépassés par le beau. Le beau conduit au bien. Et « la beauté sauvera le monde »…

Votre dévouée, aeternum.

M.

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