Au cours des récents événements, les violences envers la presse se sont multipliées. Face à ce mépris croissant, le reporter doit redoubler d’attention.
« Ah, t’as réussi à garder ton casque ! Le mien, ils me l’ont arraché parce qu’il y avait écrit ‘’presse’’ dessus. » A peine a-t-il le temps de prononcer ces mots qu’une charge de CRS nous propulse face contre pierre. Les Gilets Jaunes tentent de reprendre l’Arc de Triomphe et il ne fait pas bon être photographe dans ce tourbillon de pavés et de lacrymogènes. D’un côté, les manifestants nous assiègent. De l’autre, la police nous déloge. Reste à déterminer ce qu’est devenue la place du journaliste à l’heure où l’information s’ubérise sur les réseaux sociaux au risque de décrédibiliser la profession.
« Menteurs ! Collabos ! » Dans une course folle sur les chantiers d’Iena, les Gilets Jaunes s’adressent brièvement aux caméras, relais définitivement étatique. Mais « du moment que tu ne bosses pas pour BFM », l’honneur est temporairement sauf. Plus loin, immobilisé derrière un cordon de CRS, un homme réagit brusquement à l’approche des photographes : « Toi, je te retiens, je connais ta tête, je vais te retrouver, tu vas payer ! » Les fumées lacrymogènes en diminuent au moins les risques. Dans ces circonstances où la démesure régente les émeutiers, le reporter est soumis à une alerte constante. Du déplacement tactique au regard impartial, l’instantanéité n’exclut ni l’attention, ni le discernement stratégique. Il en va de l’intégrité physique et matérielle. Les forces de l’ordre n’en sont pas exemptées. Au grand jeu du canon à eau, la presse est régulièrement la cible d’un défoulement à la fois légitime – comte tenu de la pression générale – et injustifié. En moyenne, un photographe est équipé d’environ 20 000 euros de matériel.
Côté plateau, il paraît évident que le métier de journaliste a changé. Pour Gilane Barret, présentateur sur BFMTV, la pression augmente constamment : « En plateau, bien-sûr, nous ne sommes victimes d’aucune violence physique. Parfois, nous recevons des menaces verbales. Mais là où la profession se confronte à de vraies difficultés, c’est évidemment sur le terrain. C’est très compliqué pour eux. Il est vrai que cette chaîne d’information en continu est de plus en plus prise pour cible. »
Dans un sondage publié sur les réseaux sociaux, 67% des Français estiment que le métier de journaliste est devenu dangereux.
Maud PROTAT-KOFFLER
