Général de Villiers : « J’ai couru après l’honneur, l’étoile qui m’a toujours guidé »

Depuis sa démission, le 19 juillet 2017, l’ancien chef d’Etat-major des Armées entretient le sens de son engagement à l’état civil : servir. « Je ne suis pas un homme de scandale et l’égocentrisme, ça ne m’intéresse pas. » Organisée par La Chaîne de l’Espoir, sa rentrée visionnaire se résume ainsi :  » Transmettre ce que j’ai appris au service de la France. »

Gagner la guerre, installer la paix. En un plan structuré et décontenancé de fioritures idéologiques, le général Pierre de Villiers se livre à un exercice ininterrompu de clairvoyance citoyenne et de stratégie militaire. « Ne vous engagez pas pour vous-mêmes, engagez-vous pour la France. » Force tranquille d’un soldat de haut rang, le poing ne frappe pas mais les mots assènent des coups violents à l’évidence non-dite : le monde devient de plus en plus instable avec la progression du terrorisme islamiste et la revalorisation des états puissance. D’un côté, l’immigration massive et incontrôlée avec la légalisation de l’ignorance. De l’autre, ces vieux empires qui se réarment (10 à 15%/an) et cette Europe qui s’enivre d’espoir en promouvant la paix. L’allégorie de l’optimisme selon Voltaire.

Le cas s’illustre en trois points : menaces et évolutions, partage du fardeau international et pistes sur la sécurité et le développement. Vaste projet, vagues idées. Mais la soutenance est d’envergure et elle vaut bien ses 5 étoiles.

Le terrorisme, la radicalisation au grand jour

A croire que l’Etat borde l’Islam en son sein, les lieux de radicalisation demeurent en fait ceux de la République : prisons, mosquées et réseaux sociaux. Le moyen, c’est l’idéologie ; la fin, c’est la violence. « Les grandes idéologies naissent de grands rêves et se terminent souvent au cauchemars. » *Hitler approves* La guerre a changé de visage mais c’est l’Europe qui porte le voile. A cela s’ajoute le dérèglement climatique, autre crise majeure qui révèle un monde en fusion et en grande confusion.

Sur le terrain, le général de Villiers évoque un durcissement et de lourdes conséquences psychologiques : « Le niveau de barbarie est devenu invraisemblable. Nos soldats assistent à des décapitations, des explosions, des tueries de masse. » Le durcissement entraîne la durée : plus il y a de violence, moins il y a de pardon. Côté logistique, c’est la grande dispersion. On s’éparpille, ce qui entraîne une déstabilisation des coûts, de la communication, de la stratégie… Il est aussi question de désinhibition, notion phare de l’engagement militaire. « L’honneur de l’armée française, c’est l’éthique. Mais avec un tel niveau de violence, il est difficile de rester rationnel et de garder la maîtrise de l’honneur. » Autre désordre révolutionnaire : le digital. Une anecdote soutient que les réseaux médiatiques s’emparent des informations militaires avant que l’Etat-major ne puisse entreprendre une dépêche officielle. C’est l’histoire d’une mère qui apprend la mort de son fils dans Le Parisien… Tout accélère et entraîne l’irrationnel. « Pour permettre la paix, il faudrait mettre le temps court en esclavage. »

Unité et espérance

Ce sont les deux piliers, les maîtres mots, le credo du général d’armée Pierre de Villiers. L’armée est une institution de valeurs. « Il faut de la passion et de la générosité pour aller sauver des vies jusqu’au sacrifice ultime. » Selon lui, la jeunesse a changé. Elle a soif d’engagement, de service… et si elle ne trouve pas ce qu’elle cherche ici, sous le drapeau Français, elle ira ailleurs. La question est essentielle : l’Etat est-il capable de donner un sens à l’engagement de cette jeunesse ?

« Le soleil parisien brûle, il faut aller en province, sur le terrain. S’éloigner de la comédie humaine balzacienne… aujourd’hui, on est en plein de dedans ! Et se dire que : je ne suis rien sans les autres. Retrouve le sens du collectif, s’engager pour une cause, pour la patrie, pour la France, pas pour soi-même. » Il est vrai que les causes actuelles ne rôdent qu’autour des insatisfactions personnelles. Mais Pierre de Villiers martèle avec espoir que la jeunesse demande désormais elle-même de retrouver courage, exigence, autorité, discipline, obéissance active, celle de l’adhésion qui l’emporte sur la contrainte. S’ajoute à cela l’imagination, la volonté d’être utilisé avec ses capacités, de se dire et de se voit confirmer que : je vaux quelque chose. Tout ça, c’est à l’Etat de le procurer.

Partage du fardeau

La coopération inter-étatique est essentielle pour instaurer la paix. Mais pour la gagner, il faut irrémédiablement réformer les organisations internationales qui, à part gâcher le papier de la bureaucratie, ne se rendent pas très actifs sur le terrain. « On a besoin de l’Europe, d’une Europe puissante avec le retour des peuples. » Les coalitions régionales (G5 Sahel) sont la preuve qu’il peut exister une action commune, même si sur les plans, les intérêts sont davantage personnels que communs.

Quoiqu’il en soit, l’armée française a un rôle singulier. « Militairement, nous sommes un grand pays. » Aujourd’hui, 30 000 soldats sont en posture opérationnelle sur les eaux, sur la terre et dans les airs. Mais ce qui ne figure pas dans les grandes lignes, c’est que l’activité sous-marine est revenue au même niveau qu’avant la chute du mur de Berlin. De même que les intrusions sur notre territoire par les airs sont de plus en plus nombreuses. « La guerre de l’espace existe. »

« L’honneur est la poésie du devoir »

Il est de bon ton de croire que l’Europe a un peuple commun. Or, les peuples ont besoin de se distinguer, et à la question d’une armée commune, « face à la mort, aucun soldat ne pensera à l’Europe, il pensera à son pays, à sa famille, à son honneur. » Que la langue française, deuxième langue de l’OTAN, y retrouve sa place puisque les Anglais n’y sont plus. Rendez aux Français la fierté de leurs engagements. Donnez à la jeunesse, ils vous le rendront.

« Servir, c’est s’effacer devant quelque chose de plus grand. » 

Maud PROTAT-KOFFLER

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