Michel Sardou appartient à la France depuis plus de 50 ans. Message personnel…
Je vous ai découvert il y a 10 ou 12 ans sur TV Melody, la chaîne des retraités et des nostalgiques de naissance. J’étais à table chez ma grand-mère et nous vous regardions sur cette télé micro-ondes entre deux sauts d’image et une extinction totale, une tannée… Mamie m’a fait écouter l’album Du Plaisir. Je l’ai adoré. Loin, Espérer, Dis-moi… Vos mots, votre voix… Cette intime impression de vous connaître, déjà. La Maladie d’Amour.
À Noël, je cherchais votre nom sous les emballages. Vous aviez une importance messianique. Jésus n’avait qu’à chanter.
En voiture, j’imposais vos tournées. Bercy 98, Palais des Sports 2017…
Mes sujets de conversation commençaient par Michel ou Sardou. Parfois les deux.
Dans ma chambre, des photos, des disques, des livres… Ça n’était ni une chambre de fille, ni une chambre de garçon. Plutôt un sanctuaire.
Je vous aimais par coeur.
Vous m’avez donné envie d’écrire. Des chansons, des poèmes, des essais… Des trucs d’ado qu’on lit avec regret, plus tard. Vous étiez mon exposé en musique, mon poème en français, ma référence en littérature, mon repli en tout.
Dans les groupes de fans, sur Facebook, j’étais toujours la plus jeune. Les membres connaissaient tout de vous. Je voulais être comme eux. Incollable sur Sardou. Plus tard, j’aurais été votre plus grande fan, j’aurais même réécri votre vie.
Un jour, mes parents m’ont fait la plus belle surprise. Vous jouiez Secret de Famille au théâtre des Variétés. Je vous voyais pour la première fois. J’ai pleuré au début, j’ai pleuré à la fin, j’ai pleuré en partant… Être une fan, c’est particulier… C’est pleurer tout le temps.
Plus tard, je vous ai vu à l’Olympia. 8eme rang sur la droite. J’étais déjà au courant de cette fameuse tradition de fin de show qui consiste à courir vers la scène, 2 ou 3 chansons avant le salut final. Alors j’ai couru.
Je vous ai revu au théâtre, dans Représailles. Vous trompiez encore la scène avec les planches. Mais « quel talent, quelle leçon, quel salaud… »
Puis à nouveau sur scène pour la der des ders, en décembre dernier… Je ne sais pas ce que j’ai ressenti, ce jour là. Compassion et regret se confondaient. Mais comme bon nombre de vos admirateurs, je crois, je ne vous en ai pas voulu. Au contraire.
Vous avez toujours regretté de ne pas avoir connu davantage votre père, de ne sans doute pas l’avoir suivi. Vous lui rendez hommage en chanson depuis des années… « Il était là », « Les Yeux de mon Père »… Alors, à 70 ans, vous faites demi-tour. Vous détruisez le concept du Sardou réac’ et rétablissez l’image de l’homme vulnérable que vous avez toujours tenté de cacher derrière cette gueule que vous haïssez mais qu’on adore. Vous n’avez jamais cédé à l’orgueil. Pas en public, en tout cas. Vous avez fait une carrière de chanteur de variété, rien de plus. Les tubes, quelle connerie. Du plaisir, surtout…
Vous êtes un artiste. Un comédien. Un acteur. Un ambassadeur. Un comique. Un enfant. Un poète. Le dernier, peut-être, d’une génération qui avait atteint l’apothéose des arts, des mots et de la liberté juste.
Foutez-moi le camp, maintenant. Séchez vos larmes de la Dernière Danse et remontez face à ce public qui vous attend, qui vous espère et qui vous aime.
Maud PROTAT-KOFFLER
