D’abord, la pluie.
L’emplacement laborieux des autorités et des imprévus. Le retard des députés, la mise en place générale, le protocole, les ordres, les contre-ordres… L’affluence anonyme et la discrétion des grands noms. On se presse, on se sert, on se bouscule, on improvise quelques éloges funèbres au passage, avant de gagner l’aile gauche. Le désordre s’organise doucement… Puis le silence.
Le pas crescendo du cortège s’avance dans la cour d’honneur. Un ancien combattant incline péniblement son drapeau. Le cercueil apparaît enfin, couvert de gloire, de bleu, blanc, rouge. Et quel rouge. Les tambours. La peine. La rage. La confusion des sentiments. La lucidité, malgré tout.
La revue des troupes, comme un instant de répit avant de reprendre à pleins poumons cette Marseillaise dont les paroles prennent résolument sens (« ils viennent jusque dans nos bras, égorger nos fils et nos compagnes ») …
Emmanuel Macron prononce les mots justes, il parle à tout le monde, il n’oublie personne. C’est en cela que réside la grandeur du sacrifice d’Arnaud Betrame. On a vu tant de victimes rassembler le peuple français, mais rares sont les héros qui donnent leur vie avant qu’on ne la leur prenne. Arnaud Beltrame a ressuscité l’esprit de résistance, l’engagement total, sacrificiel, auquel Daesh avait donné un tout autre sens, criminel, infâme, terroriste.
C’est alors qu’une question bouscule notre conscience : et moi, qu’aurais-je fait ? Arnaud Beltrame n’est pas mort en homme d’élite. Face au danger, face à l’horreur, face à la mort, seuls le courage, la foi et la lucidité régissent une telle détermination, bien au-delà du devoir, bien au-delà de la raison.
Vive la gendarmerie.
Maud PROTAT-KOFFLER
