Le duel des « hors-système » constitue un véritable séisme dans la vie politique de la Ve République. Emmanuel Macron et Marine Le Pen, deux novices du pouvoir aux idées totalement opposées vont devoir s’affronter lors de ces 15 prochains jours. Un affront qui se révèle aujourd’hui quelque peu inégal, tant l’engouement contre la candidate FN semble devenir un devoir d’Etat sur tous les fronts. Le « barrage » artificiellement conçu ne prépare-t-il pas finalement la vague bleue Marine ?
Marine Le Pen, certifiée « ennemie de la France ». S’il est bien une incohérence que l’on puisse accorder à la démocratie française, c’est celle de considérer qu’un parti ne mérite pas ses voix dans un pays où la tolérance devient un devoir. Le passé du FN n’est certes pas à envier et le Dark Vador de cette force obscure n’aide pas à la reconquête. Face aux tensions, aux peurs, aux doutes, le Front National soigne son image. Tromperie ? Publicité mensongère ? Que celui qui détient la vérité s’exprime, et vite !
Le 21 avril 2002, la France sombrait dans l’effroi. Une véritable catastrophe électorale venait de frapper de plein fouet la naïveté d’un peuple présomptueux. La confusion était telle que du jour au lendemain, des millions de personnes descendaient dans les rues pour dénoncer ce qu’ils avaient laissé passer. La démocratie, liberté de la raison comme de l’étourderie. Pourtant, cette année, les sondeurs nous avaient prévenu.
L’histoire se répète et la plupart des Français s’étonne. « La politique est le moyen pour des hommes sans principes de diriger des hommes sans mémoire » disait Voltaire. Le fait est qu’à force de voter pour l’intérêt général à défaut de voter pour le bien commun, on finit tous par le regretter. Et tout recommence… Au second tour, on se rend compte que le plus dangereux n’est pas l’immaturité politique mais le nationalisme. Au premier tour, aurions-nous pu comprendre que le plus dangereux n’était pas une affaire d’emploi fictif mais le duel du second tour ? Les Français ne voient pas loin. Ils n’ont pas l’oeil farouche. Ils ont le regard embué de préjugés et d’idées préconçues. Ils se pourvoient même d’un certaine idée de la France qui les arrange, quitte à oublier le passé et à inventer l’avenir. « La politique, c’est de la merde ! »
Un face à face historique
Tant d’espoirs déçus… Aux « tous pourris », on oppose alors « le renouveau ». Celui qui n’a jamais essayé de gouverner la France doit avoir sa chance… Un raisonnement pour le moins édifiant qui laisse part à un avenir incertain.
Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont en commun ce qui effraie : l’incompétence. L’un s’enorgueillit au moindre compliment, se frustre pour un moment volé, préférant la collaboration à l’affrontement, la forme au fond, le jeu sentimental au jeu politique, la « positive attitude » à la vision réaliste. L’autre est autrement plus caricaturée. Elle porte le nom de l’éternelle opposition, joue sur les peurs mais avec le mérite de les prendre en compte, se veut anti Union Européenne, anti immigration et pour un protectionnisme ciblant le laisser-aller des règles diplomatiques et la soumission financière.
A cela s’ajoutent les soutiens et le possible gouvernement de chacun. Malgré le renouveau qu’il incarne, Emmanuel Macron n’est-il pas contraint par une injonction contradictoire ? Ayant besoin de soutiens aussi bien à droite qu’à gauche, donc astreint à un besoin d’ambiguïté, comment éviter de repousser ces mêmes électeurs par des personnalités trop clivantes ? Emmanuel Macron ne pourra pas uniquement compter sur des candidats novices correspondant à son « renouvellement de l’expérience politique ». Des postes restent à pourvoir. Tout est encore flou.
Marine Le Pen, c’est la confusion… Le 2 février dernier, elle admettait avoir déjà bien réfléchi à la question : « Le premier ministre ne sera pas forcément issu du FN. » Les spéculations détonnent dans les rangs serrés de la candidate FN. Mais pour l’heure, l’élection reste à gagner.
Maud PROTAT-KOFFLER
